Chorégraphie


Chorégraphie (Nijinska)

Quand Stravinsky vint nous rejoindre à Vienne, il avait apporté avec lui la partition complète du Sacre. Le manuscrit était daté du 4 novembre 1912.

De Vienne nous repartîmes pour Londres où Diaghilev s’était arrangé pour que durant les six semaines de notre séjour, Vaslav dispose de l’Aldwych Theatre pour y répéter ses deux ballets. Les premières répétitions se passèrent surtout en explications données par Stravinsky à Steiman pour transcrire au piano la partition d’orchestre. Debout près d’eux, Vaslav écoutait la musique et à mon grand désespoir je remarquai que Mim lui expliquait quelque chose. Je m’interrogeais « Qu’est-ce-que Marie Rambert peut bien apprendre à Nijinski, elle qui connaît à peine la danse ? ». Ce que je pensais dut se savoir car Vaslav commença à m’éviter et il ne me demandait plus de venir aux répétitions de la Danse Sacrale. J’allai lui parler pour clarifier la situation. Il me reprocha de critiquer ses méthodes de travail auprès des autres, disant que de toute évidence je n’aimais pas sa nouvelle chorégraphie.

C’était trop injuste. Je n’approuvais pas l’application du système Dalcroze à une composition chorégraphique, c’était vrai, mais j’étais sûre que ce que j’avais dit avait été délibérément déformé par les Dalcroziens qui essayaient de semer la zizanie entre Vaslav et moi.

Vaslav et moi continuèrent notre conversation au Lyons du coin. Il m’expliqua qu’il puisait son inspiration non seulement dans la musique mais dans le livret écrit par Roerich et Stravinsky et que Roerich l’encourageait beaucoup. « Il est très sensible à mon travail, mais souvent Igor Feodorovitch m’énerve. Je l’estime énormément comme musicien et nous sommes amis depuis longtemps, mais on perd tellement de temps parce qu’il croit être le seul à comprendre la musique. Quand je travaille avec lui, il m’explique ce qu’est une blanche, une noire, un soupir, un demi-soupir, comme si je n’avais jamais fait de musique moi-même. » – Mais Vaslav, tu sais qu’il fait pareil avec tout la monde. Il apprend même à Steiman à déchiffrer et Steiman n’est pas seulement pianiste mais chef d’orchestre !

Cela n’apaisa pas Vaslav. Il ajouta tristement : « Je voudrais tellement pouvoir écouter la musique sans être tout le temps interrompu pour rien. Si seulement il parlait davantage de sa musique pour le Sacre et moins de théories musicales générales ! »

La partition était si difficile que même les grands chefs ne pouvaient pas la suivre du premier coup. Pendant les répétitions orchestrales il fallait que Stravinsky lui-même reste près du chef pour l’aider.

De Londres, nous allâmes à Monte-Carlo, mais nous avons donné une représentation à Lyon.

…Vaslav avait fait la connaissance de Roerich en 1909, c’est lui qui avait créé les décors des danses du prince Igor. Ils étaient devenus amis et s’étaient vus souvent à Paris et Saint-Pétersbourg.

En 1910, Roerich écrivit l’argument d’un ballet qu’il appela « Sacrifice suprême » et qu’il décrivit dans une interview pour la Gazette de Saint-Pétersbourg le 28 août 1910. « Ce ballet évoquera plusieurs scènes d’une nuit sacrée des anciens slaves. Au début du ballet, c’est une nuit d’été et à la fin, se lève le soleil. La partie chorégraphique comprend des danses rituelles. »